Empurias. La cala de la Escala. Pesca de la sardina (L.Roisin.Fot.)
XIV L'homme et la mer
Homme libre, toujours, tu chériras la mer
!
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image
;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton cur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux
et discrets :
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes,
O mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets
!
Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni
remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
O lutteurs éternels, ô frères
implacables !
Les fleurs du mal
Charles Baudeliere